Lorsqu’un couple traverse une passe difficile, la question de la séparation se pose souvent. Mais quand il y a des enfants, la décision devient plus complexe. Par peur de les faire souffrir, de nombreux parents choisissent alors de rester ensemble et de faire des sacrifices. Pourtant, plusieurs études ont montré que cette solution n’est pas toujours la meilleure, ni pour les parents ni pour les enfants. Explications.
Le faux sentiment du « devoir » parental
Lorsqu’on est parent, on a souvent l’impression que notre rôle est de tout faire pour protéger nos enfants, même au détriment de notre propre bonheur. C’est ce qui pousse de nombreux couples à rester ensemble alors que leur relation est au point mort depuis longtemps. Ils pensent bien faire, ils veulent épargner un traumatisme à leurs enfants. Pourtant, cela part souvent d’un faux sentiment de « devoir » parental.
Le mythe du traumatisme
On entend souvent que les enfants de parents divorcés sont traumatisés à vie. La réalité est plus nuancée. Bien sûr, une séparation est un événement difficile, qui entraîne des changements et parfois des souffrances. Mais de nombreuses études ont montré que ce n’est pas le divorce en soi qui pose problème, mais plutôt la façon dont il est vécu et géré par les parents.
- Si la séparation se passe dans de bonnes conditions (pas de conflits violents, bonne entente parentale, accompagnement de l’enfant), l’enfant peut même être soulagé car il ne subit plus les tensions du couple.
- En revanche, quand le foyer devient invivable à cause de disputes et de non-dits, l’enfant souffre, que les parents divorcent ou non.
Le poids de la culpabilité
Beaucoup de parents restent ensemble parce qu’ils ne veulent pas « faire subir ça » à leurs enfants et se sentent coupables à l’idée de briser la cellule familiale. Pourtant, la plupart des spécialistes s’accordent à dire que ce sentiment de culpabilité est contre-productif.
- Il est souvent lié à la pression sociale et aux injonctions extérieures, plus qu’à un réel traumatisme pour l’enfant.
- Il pousse les parents à faire passer leurs enfants avant leur propre bien-être, au risque de s’oublier et de vivre des années de frustrations.
Un foyer invivable
Même quand ils font des efforts, il est très difficile pour un couple en souffrance de donner à ses enfants un environnement sain et serein. Les non-dits, les tensions, le manque d’affection se ressentent toujours.
Une ambiance pesante
Même si les parents ne se disputent pas ouvertement devant leurs enfants, ces derniers ressentent bien que quelque chose ne va pas. Il y a comme un malaise permanent. Cette atmosphère tendue et angoissante n’est pas sans conséquence :
- Stress, troubles du sommeil
- Problèmes de concentration
- Baisse des résultats scolaires
- Repli sur soi
À long terme, vivre dans un foyer où règne la froideur affective et le manque de communication laisse des traces. Et malheureusement, les parents sont souvent les derniers à s’en rendre compte…
Des disputes traumatisantes
Même quand ils font de leur mieux, des parents qui ne s’aiment plus auront du mal à ne jamais se disputer devant leurs enfants. Or, assister à des conflits conjugaux violents ou répétés est extrêmement traumatisant et déstabilisant pour un enfant. Cela peut engendrer :
- Problèmes émotionnels : anxiété, dépression
- Troubles du comportement : agressivité, repli sur soi
- Difficultés relationnelles et affectives
- Perte des repères sur le couple
Si les disputes sont vraiment trop fréquentes et intenses, la séparation peut alors devenir salutaire pour apaiser les tensions.
Une vision faussée du couple
En restant ensemble alors qu’ils ne s’aiment manifestement plus, les parents donnent de leur couple une image faussée qui perturbe profondément les repères affectifs de leurs enfants.
Un modèle décalé
Faute de mieux, les enfants prennent leurs parents comme modèle, même quand celui-ci est loin d’être idéal. Ils observent et intériorisent des schémas relationnels où il n’y a :
- Ni complicité
- Ni dialogue
- Ni gestes tendres
- Ni projets communs
Résultat : ils grandissent avec une vision tronquée, sinon carrément négative, de ce qu’est un couple. Difficile ensuite pour eux de construire des relations épanouies.
Incompréhension et souffrance
Faute de communication avec leurs parents, les enfants ne comprennent pas ce qui ne va pas dans leur couple. Ils cherchent des explications :
- Est-ce de leur faute ?
- Est-ce qu’on ne les aime plus ?
- Papas et mamans ne s’aiment-ils donc jamais ?
Cette incompréhension est source d’anxiété et de troubles psycho-affectifs. Elle peut même donner lieu à des scénarios catastrophes dans leur tête.
Le sacrifice de soi
Quand on « subit » son couple par devoir parental, on finit dans la plupart des cas par s’oublier soi-même. Au risque de devenir malheureux, amer, et de reporter ce mal-être sur ses enfants.
Frustrations et ressentiments
Au fil du temps, faute de pouvoir s’épanouir pleinement dans son couple, un sentiment de frustration s’installe, pouvant aller jusqu’à l’amertume. On reproche à son conjoint ce bonheur qu’on s’interdit à soi-même. On lui en veut, consciemment ou non, de nous priver de notre liberté.
Ces rancœurs refoulées ressortent tôt ou tard et polluent l’atmosphère du foyer. Même si elles ne s’expriment pas toujours ouvertement, les enfants les ressentent dans chaque parole et geste du quotidien.
Négligence et dépression
À force de s’oublier soi-même et de ne vivre que pour ses enfants, on finit aussi parfois par craquer. Certains parents sombrent alors dans des comportements qui ne sont pas sans conséquence :
- Désinvestissement vis-à-vis des enfants
- Négligences
- Addictions (alcool, drogue, jeux…)
- Dépression, parfois sévère
Là encore, les enfants sont en première ligne et subissent de plein fouet la détresse de leurs parents. Le foyer familial, seul repère qu’ils ont jamais connu, se délite sous leurs yeux…
Quid de leur future vie de couple ?
Au-delà du bonheur immédiat, le couple parental est le premier modèle amoureux des enfants. Celui sur lequel ils fondent, consciemment ou non, leur propre vie affective une fois adultes.
Reproduction des schémas familiaux
De nombreuses études le montrent, les enfants de parents malheureux ont davantage tendance à reproduire les schémas familiaux dysfonctionnels une fois adultes :
- Difficultés à communiquer en couple
- Acceptation de relations insatisfaisantes
- Manque d’affirmation de soi face à son/sa partenaire
En clair, filles et garçons peuvent tolérer des situations de couple qui ne leur conviennent pas, faute de savoir ce qu’est une relation saine…
Peur de l’engagement
À l’inverse, certains enfants issus de « mauvais » couples peuvent aussi développer une aversion à l’engagement amoureux une fois adultes. Ayant intériorisé le schéma selon lequel couple = disputes, ces personnes
- Ont peur de reproduire l’histoire de leurs parents
- Préfèrent les relations sans lendemain
- Ont du mal à faire confiance et à s’investir dans une relation durable
Quoi qu’il en soit, les « dégâts collatéraux » d’un couple parental en souffrance se font souvent sentir sur le très long terme…
Alors, faut-il rester ensemble ?
Au vu des conséquences potentiellement néfastes sur les enfants, est-ce vraiment une bonne idée que de « tenir » coûte que coûte ? Certains spécialistes appellent à reconsidérer la question.
Le divorce n’est pas un échec
Longtemps tabou en France, le divorce tend à se banaliser chez les jeunes générations. Signe que les mentalités évoluent… De plus en plus de spécialistes insistent aussi sur le fait qu’une séparation, lorsqu’elle est bien vécue, n’est pas un échec :
- C’est parfois le seul moyen pour un couple de se retrouver
- Cela n’empêche pas de rester de bons parents
- Cela permet à chacun de reconstruire sa vie
Bref, le divorce n’est pas une fatalité. Et il vaut parfois mieux une séparation à l’amiable qu’une cohabitation conflictuelle ou forcée.
Trouver le bon moment
Reste que la séparation est rarement une décision facile ou évidente lorsqu’on est parent. Pour certains couples « au bord de la rupture », il peut être judicieux d’attendre que les enfants soient plus grands avant d’envisager une éventuelle séparation.
Même si rien n’est jamais idéal, on considère souvent que :
- Avant 6 ans : une séparation est souvent vécue comme un abandon par l’enfant
- Entre 6 et 1ans : l’enfant commence à comprendre mais a encore besoin de repères stables
- Après 1ans : l’enfant est capable de verbaliser ses émotions et de comprendre les raisons d’une séparation, même si cela reste douloureux.
À chacun de voir, en fonction de son histoire familiale, quel est le « bon » moment pour franchir le pas, ou non…
Rester de bons parents
Si toutefois la séparation est inévitable, il est capital de la vivre dans les meilleures conditions possibles et de tout faire pour préserver le bien-être des enfants :
- Expliquer à l’enfant que papa et maman s’aiment toujours, mais différemment
- Rassurer l’enfant sur le fait qu’il continuera à voir ses deux parents
- Lui montrer que chacun a désormais son propre foyer où il est heureux
- Faire preuve de maturité et rester respectueux l’un envers l’autre
Grâce à une communication bienveillante et beaucoup d’amour, une séparation peut alors se vivre sans trop de séquelles, même pour des enfants en bas-âge.
En résumé
Rester en couple pour le bien de ses enfants part indéniablement d’une bonne intention. Mais à trop vouloir les protéger, on peut involontairement leur nuire sur le long terme. Alors, que faut-il retenir ?
- Le divorce n’est pas forcément un traumatisme en soi pour un enfant
- Un foyer invivable ou des parents en souffrance le sont davantage
- On ne rend service à personne en s’oubliant soi-même et en « subissant » son couple
- Une séparation à l’amiable vaut souvent mieux qu’une cohabitation conflictuelle
- Il est possible de divorcer ET de rester de bons parents pour ses enfants
Au final, tout est question de dosage entre compromis et courage, communication et maturité. Et surtout d’honnêteté envers soi-même sur ses propres limites. Car on ne peut rendre les autres heureux qu’à condition de l’être soi-même…