La fessée érotique est une pratique sexuelle qui divise. Fantasmée par certains, elle suscite l’incompréhension, voire le dégoût chez d’autres. Pourtant, elle semble relativement répandue puisqu’un sondage révélait en 2012 qu’une femme sur quatre déclarait avoir déjà reçu une fessée de son partenaire. Mais la fessée érotique soulève de nombreuses interrogations : est-ce vraiment une pratique excitante ? Ne relève-t-elle pas plutôt de la violence et de la domination masculine ? Peut-elle être compatible avec le féminisme ? Autant de questions que cet article se propose d’explorer.
Après un bref historique de cette pratique sulfureuse et une présentation de ce qu’elle recouvre précisément, nous tenterons de comprendre ce qui peut motiver le désir de fessée chez certains. Nous verrons également que les avis divergent sur sa dimension émancipatrice ou au contraire avilissante pour les femmes. Enfin, nous décrypterons les polémiques qu’elle suscite, avant de conclure sur les conditions qui permettent d’en faire une pratique épanouissante.
Petite histoire de la fessée érotique
La fessée à des fins érotiques n’est pas une invention récente, loin de là. On en trouve des traces dès l’Antiquité, où elle était utilisée comme préliminaire sexuel ou dans le cadre de jeux érotiques. Certains auteurs libertins du 18ème siècle comme le Marquis de Sade ou Choderlos de Laclos l’évoquent également dans leurs écrits.
Mais c’est vraiment à partir des années 1950-60, avec la diffusion des revues et films érotiques, puis l’émergence de la culture BDSM, que la fessée érotique (associée au fouet) devient un fantasme récurrent et une pratique sexuelle à part entière revendiquée par certains. Le succès phénoménal de la saga 50 nuances de Grey au début des années 2010, mettant en scène un Christian Grey adepte de la fessée, contribuera également à diffuser ce fantasme auprès du grand public.
Aujourd’hui, la fessée reste taboue et suscite incompréhension ou réprobation chez beaucoup. Mais les chiffres montrent qu’elle est loin d’être marginale : d’après un sondage IFOP de 2012, 27% des femmes déclaraient avoir déjà reçu une fessée de leur partenaire lors d’un rapport sexuel. Elles étaient même 40% à se déclarer prêtes à en donner une.
De quoi parle-t-on exactement ? Définitions
Derrière le terme générique de fessée érotique se cachent en réalité des pratiques assez différentes. Pour y voir plus clair, il convient de distinguer :
- La fessée douce : quelques tapes légères sur les fesses pendant l’acte sexuel, avec la main ou un objet comme une cravache. Son but est d’apporter une touche d’exotisme, de transgression, pour pimenter le rapport. Elle reste soft, sans marques ni douleur importante.
- La fessée BDSM : des fessées plus appuyées, faisant partie d’un jeu de rôle dominant/dominé où la douleur joue un rôle central dans le plaisir. Elle peut laisser des marques et est pratiquée avec des intensités et des accessoires variés (martinet, paddle…) selon les préférences de chacun. Pour les adeptes, rendez-vous sur les meilleurs sites de rencontre BDSM.
- La fessée éducative ou punitive : il s’agit cette fois d’une fessée visant à corriger un comportement jugé fautif. Assez similaire à la fessée parentale, elle est infligée hors contexte sexuel. Son aspect humiliant peut néanmoins procurer un plaisir coupable à certains.
Ces différentes déclinaisons de la fessée érotique font appel à des imaginaires et procurent des sensations bien spécifiques. Mais dans tous les cas, le consentement éclairé des partenaires et le respect de l’autre sont primordiaux.
Pourquoi aime-t-on la fessée ? Exploration des motivations
Si la fessée érotique séduit certains et en rebute d’autres, c’est qu’au-delà du geste lui-même, ce sont des fantasmes et des motivations très personnels qui entrent en jeu. Explorons ce qui peut motiver le goût pour les fessées, que l’on soit celui qui la reçoit ou celui qui la donne.
Du côté de celui ou celle qui la reçoit
- Recherche de sensations fortes : la fessée procure une vive sensation entre douleur et plaisir, parfois qualifiée de sweet pain, qui augmente l’excitation.
- Goût de la transgression : recevoir une fessée, c’est braver un interdit et faire quelque chose de tabou, d’excitant car politiquement incorrect.
- Plaisir d’abandonner le contrôle : se faire fesser, c’est laisser l’autre prendre les commandes et se soumettre à lui/elle. Un moyen de lâcher prise sur ses responsabilités et de ne penser à rien d’autre.
- Jeu de rôle érotique : la fessée permet d’incarner toute une palette de personnages et de scénarios excitants dans l’imaginaire BDSM (esclave, soubrette punie…) ou d’explorer sa part sombre de vilain/vilaine.
- Dépassement de soi et estime de soi : supporter courageusement la douleur de la fessée est perçu comme une épreuve valorisante. Cela renforce l’estime de soi et la confiance en ses propres limites.
Du côté de celui ou celle qui la donne
- Sentiment de puissance et de contrôle : donner une fessée procure un sentiment grisant de domination sur l’autre.
- Plaisir interdit de faire mal : la fessée permet de transgresser un interdit fondateur (ne pas faire de mal à autrui), ce qui a quelque chose de troublant et d’excitant.
- Jeu de rôle et exploration de son côté sombre : donner la fessée autorise à explorer sa part de cruauté refoulée, son côté obscur, dans un jeu de rôle stimulant.
- Estime de soi par le dépassement de tabous : oser donner une fessée demande de s’affranchir de nombreux tabous sur la sexualité et la violence. Cela valorise celui qui la donne.
Bien sûr, en pratique, celui qui reçoit la fessée peut également y trouver un plaisir de domination, et vice versa. Les motivations sont complexes, ambivalentes et s’entremêlent.
Fessée érotique et féminisme : plaisir libérateur ou aliénant ?
La dimension genrée de la fessée érotique, souvent donnée par l’homme à la femme, interroge. Comment concilier le goût pour cette pratique jugée avilissante avec les combats féministes ?
Sur ce sujet, deux écoles s’opposent.
La fessée érotique comme pratique aliénante
Certains analysent la fessée érotique comme l’avatar moderne du droit de correction qu’avaient les maris sur leurs épouses, dans une société patriarcale où la sexualité féminine devait rester confinée au lit conjugal.
Ainsi, aimer les fessées résulterait d’une forme d’aliénation consentie des femmes, qui intérioriseraient l’image dégradante véhiculée par la pornographie et les fantasmes masculins. Se soumettre librement à cette pratique humiliante sonnerait comme une approbation des schémas de domination masculine, incompatible avec toute éthique féministe.
La fessée comme sexualité épanouissante
A l’inverse, d’autres voient dans les fessées érotiques le signe d’une sexualité affranchie de toute contrainte morale. Loin d’aliéner les femmes, le fait d’assumer ce fantasme tabou serait au contraire un acte d’émancipation.
Car aimer les fessées, ce serait simplement écouter ses propres désirs, aussi sulfureux soient-ils. Cela nécessite au contraire une grande confiance en soi et en son propre corps pour oser braver les interdits.
Dans cette perspective, la fessée érotique pratiquée en pleine conscience, avec le consentement éclairé des partenaires, relèverait d’un épanouissement personnel. Elle permettrait de se libérer de la honte, de découvrir de nouvelles sensations et de pimenter sa sexualité, facteurs importants de bien-être selon ses adeptes.
Polémiques autour de la fessée érotique
Malgré sa relative diffusion, la fessée érotique cristallise de vives polémiques, preuve des tabous toujours vivaces en matière de sexualité. On lui reproche principalement :
- D’être une pratique humiliante et avilissante, rabaissant celui qui la subit au rang d’esclave ou d’enfant.
- De promouvoir la culture du viol et de la violence envers les femmes, en érotisant la domination et l’absence de consentement.
- D’infantiliser la sexualité féminine, les femmes étant traitées comme des petites filles méritant d’être corrigées physiquement.
- De potentiellement conduire à des dérives violentes, en habituant à frapper son partenaire sous couvert de jeu érotique.
- De relever de pathologies psychiques telles que le masochisme ou le sadisme, qu’il conviendrait de soigner plutôt que d’encourager.
Ces critiques soulignent combien cette pratique dérange etinterroge. Mais ses défenseurs rétorquent qu’entre partenaires consentants, dans le respect mutuel, la fessée érotique ne regarde personne d’autre. Ils dénoncent ainsi une forme de puritanisme sexuel visant à contrôler et restreindre notre bien le plus intime : notre liberté de disposer de nos corps et de notre plaisir.
Comment pratiquer la fessée érotique sereinement ?
Au-delà des débats qu’elle suscite, la fessée érotique peut donc procurer des sensations et une complicité intense à ceux qui l’apprécient. Mais pour qu’elle constitue un réel enrichissement de la sexualité du couple plutôt qu’une expérience traumatisante, certaines conditions sont nécessaires.
Consentement éclairé
La base de toute pratique sensuelle épanouissante est le consentement libre et enthousiaste des partenaires. Avant toute fessée, même légère, il est donc indispensable de s’assurer que l’autre en a vraiment envie et d’en discuter ensemble au préalable, pour se mettre d’accord sur les limites à ne pas franchir.
Un mot d’ordre : ne jamais surprendre l’autre en lui administrant une fessée à l’improviste ! Cela pourrait être très mal vécu, même de la part d’un·e conjoint·e.
Écoute et communication
Pendant l’acte lui-même, un dialogue constant doit être maintenu pour s’assurer que le ou la partenaire prend toujours du plaisir. N’hésitez pas à vous concerter sur l’intensité des fessées et à ralentir le rythme si besoin.
La communication est la clé d’une sexualité épanouie, surtout lorsqu’elle inclut des pratiques limites comme la fessée. Elle seule garantit le respect et la considération mutuels, ingrédients essentiels au plaisir partagé.
Progressivité
Même pour les plus aguerris, il est conseillé de toujours commencer en douceur une séance de fessées, avec quelques tapes légères, avant de laisser monter l’excitation et l’intensité progressivement. Une montée en puissance progressive permet de ne jamais franchir ses propres limites.
Alterner les claques plus soutenues avec des pauses cocasses ou sensuelles est aussi un bon moyen de faire durer le plaisir.
Utilisation d’un mot de sécurité
Pour les adeptes de fessées vigoureuses, l’utilisation d’un safe word (mot de sécurité) est vivement recommandée. Ce mot choisi à l’avance par les partenaires permettra à celui ou celle qui reçoit la fessée d’arrêter le jeu immédiatement s’il ou elle se sent en danger ou souhaite stopper pour une raison ou une autre.
Le safe word est primordial pour que même dans un contexte de jeu de domination, la personne fessée conserve sa pleine capacité à interrompre le processus quand elle n’en peut plus. C’est la meilleure assurance contre le risque de dérapages.